Les Abysses

Poissons abyssaux

Le noir absolu, une pression énorme et un froid polaire, nous sommes dans les abysses, au-delà de 1000 m de profondeur.

Cette faune était encore inconnue de l’homme jusqu’à la fin du XIXème siècle. Les scientifiques pensaient d’ailleurs qu’aucune vie n’était possible au-delà de 600 mètres. A juste raison ! La lumière est totalement inexistante à de telles profondeurs. La photosynthèse ne peut donc avoir lieu, ce qui interdit toute vie « photosynthétique ». De plus, la pression y est extrêmement forte, ne laissant que peu de chances à un organisme d’y vivre paisiblement. Et pourtant, vers la fin du XIXème siècle, l’expédition Challenger recensera plus de 4000 nouvelles espèces marines. Ce sera le début du voyage vers la connaissance de la faune abyssale.

 

La nourriture

Proche de la surface, là où les rayons lumineux n’ont pas encore été totalement absorbés, la photosynthèse permet à de minuscules plantes de se développer. De petits animaux (le zooplancton) se nourrissent de ces végétaux et permettent, à leur tour, à de plus grands poissons de vivre. Ces poissons finiront finalement dans le ventre de requins, baleines ou autres prédateurs des mers. Lors de leur mort, leurs corps tombent dans les profondeurs des océans et se décomposent, formant, avec d’autres détritus, la neige marine, donnant alors à la faune abyssale un repas inespéré.
L’autre source alimentaire provient de la chimiolithotrophie. Un mot un peu barbare qui ressemble fortement à la photosynthèse. Au lieu d’utiliser le soleil comme source d’énergie, elle utilise l’oxydation de substances minérales. Dans les fonds marins existent des sources hydrothermales, les « fumeurs noirs », qui dégagent de l’hydrogène sulfuré (= soufre + hydrogène). Des bactéries capables de le capter l’oxydent et produisent ainsi de l’énergie permettant aux bactéries de se développer. Elles seront ensuite consommées par des vers qui seront à leur tour dévorés par les poissons abyssaux.

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Et la pression ?

Plus on plonge profondément, plus elle est élevée. Sur Terre, 1 cm² de notre peau supporte 1 kg, c’est le poids de l’air ; ce qui correspond à la pression atmosphérique (= 1 kg/cm² = 1 bar). Mais à 10 m de profondeur, chaque cm² de votre corps devra supporter en plus 1 litre d’eau; c’est-à-dire un poids de 1 kg, ce qui équivaut à une pression de 1 bar ! Alors, imaginez la pression à 10000 m ! Elle est environ 1000 fois plus forte qu’à la surface.
Comment résistent donc tous ces poissons abyssaux ? Comme très souvent dans la Nature, ils se sont adaptés.

Les poissons abyssaux ont des organes liquides et gélatineux, insensibles à la pression, qui leur permettent de vivre dans d’extrêmes profondeurs (je m’abstiendrai ici d’illustrer cela, car ce n’est sacrément pas joli à voir). Mais, la pression dans leur corps étant la même que la pression à l’extérieur, ils ne peuvent remonter vers la surface sans exploser et sont donc obligés de rester dans les grands fonds océaniques.

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Je ne vois rien et en plus, il fait un froid de canard

Les poissons abyssaux ont dû s’adapter à la forte pression des profondeurs. De la même manière, ils se sont adaptés au noir et au froid. Certains poissons ont même la faculté de produire de la lumière : ils sont bioluminescents. Cet atout leur permet de chasser, de se camoufler, d’attirer ou, tout simplement, de s’éclairer !

D’autres poissons, aveugles, ont développé d’excellentes capacités à ressentir les odeurs ou les vibrations afin de survivre dans ces milieux.
Et le froid qui règne dans les profondeurs abyssales n’est pas un problème non plus ! La peau et les organes de ces poissons résistent à des températures pouvant approcher les 0°C. Certains poissons préféreront tout de même aller se réchauffer auprès des fumeurs noirs où la température avoisine les 350°C !

 

Pram bug amphipod, Phronima sp., deep sea, South Atlantic Ocean

 

Les abysses : l’écosystème le plus diversifié de la planète

Les abysses représentent le plus vaste espace de la planète susceptible d’abriter la vie. La température glaciale, la pression immense, la noirceur totale et le manque apparent de nourriture créent un milieu en apparence inhospitalier pour la vie animale.

Aujourd’hui, nous savons que les animaux se font généralement de plus en plus rares à mesure que l’on plonge vers les très grandes profondeurs, mais la biodiversité n’en souffre pas pour autant. Les scientifiques ne cessent de découvrir et de décrire de nouvelles espèces dans les profondeurs océaniques. En se basant sur les espèces déjà récoltées et le milieu encore inexploré, on estime que la nuit océanique pourrait héberger encore dix millions de nouvelles espèces et peut-être davantage. Plus encore que les forêts tropicales ou les récifs coralliens!

Les abysses, une richesse

Au moment où l’Homme envoie des sondes pour explorer l’Univers, les abysses représentent d’immenses surfaces de notre planète encore bien peu explorées. Si les abysses ont, jusqu’à présent, été relativement épargnés de toute forme d’exploitation, des menaces pèsent maintenant sur ces milieux car ils renferment des richesses considérables qui font l’objet de nombreuses convoitises.

Des milliers de poissons et d’invertébrés marins restent encore à découvrir, mais hélas, plusieurs d’entre eux sont déjà menacés par le chalutage sur le fond, une technique de pêche des plus destructrices. Ces énormes filets qui raclent le plancher de l’océan détruisent tout sur leur passage, entre autres de fragiles éponges et des coraux multicolores qui croissent de seulement quelques centimètres par année. Certains d’entre eux seraient âgés de plus de 100 ans!

En plus des poissons des grandes profondeurs, les abysses recèlent des trésors peu connus. Des molécules aux vertus pharmaceutiques inégalées, des produits cosmétiques, des suppléments alimentaires, des gisements de métaux précieux… et sans doute plus encore. L’exploitation à grande échelle est encore difficile pour des raisons à la fois écologiques, techniques et économiques. Mais les expéditions futures devraient permettre de révéler encore bien des secrets enfouis dans les abysses.

Assisterons-nous à la disparition des dernières merveilles des abysses avant même qu’ils nous aient révélé tous leurs secrets?

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